Veille réglementaire – l’analyse de l’ACPR sur les néo-banques – juin 2020


Préambule :

En 2018, l’ACPR a déjà fait une première analyse des modèles d’affaires des banques en ligne et néo-banques. Cette analyse a porté sur 12 établissements (BforBank (Groupe Crédit Agricole), Boursorama (Groupe Société Générale), C-ZAM (Carrefour Banque), Compte Nickel (Groupe BNP Paribas), Fortuneo (Groupe Crédit Mutuel Arkéa), Hello Bank (Groupe BNP Paribas), ING Direct (Groupe ING), Ma French Bank (Banque Postale), Monabanq (Groupe CM11-CIC), N26 Bank, Orange Bank (Groupe Orange), Revolut) et a donné lieu aux conclusions suivantes :

  • Les nouveaux acteurs bancaires ont progressivement réussi à s’installer dans le paysage bancaire français pourtant mature. Toutefois, ils sont eux-mêmes soumis à un contexte concurrentiel très fort. En raison de leur jeunesse et de l’absence de réseaux, leur image de marque reste moins bien établie. Leur positionnement tarifaire les oblige de surcroît à une amélioration constante de leurs performances.
  • Dans ce contexte, l’étude met en lumière les incertitudes qui pèsent sur leurs perspectives de développement. Si les plans stratégiques de certains établissements pourraient se révéler trop ambitieux, il reste toutefois délicat de juger de projections de rentabilité pour des acteurs dont la stratégie d’innovation et de développement peut induire des transformations profondes du secteur.
  • À cet égard, le rôle des banques en ligne et des néo-banques dans la course à l’innovation mérite d’être souligné. Dans le domaine du mobile ou de l’usage innovant des données à des fins marketing, ces nouveaux acteurs se montrent particulièrement actifs. Ils ont ainsi été parmi les premiers à proposer des solutions de gestion des finances personnelles. Dans le domaine de la relation clientèle, ces établissements cherchent aussi à tirer au maximum profit de la technologie pour rendre le client autonome et limiter autant que possible l’intervention humaine. Lorsqu’ils appartiennent à des groupes bancaires déjà établis, ils peuvent ainsi jouer en leur sein le rôle de laboratoire d’innovation et d’expérimentation. Dans tous les cas, ils se sont imposés comme des acteurs essentiels des transformations à venir de la banque de détail.

Cette étude a été ensuite complétée par une nouvelle analyse sur un échantillon de 14 établissements (Boursorama (Groupe Société Générale), EKO (Groupe Crédit Agricole), Hello Bank (Groupe BNP Paribas), ING Direct (Groupe ING), Monabanq (Groupe CM11-CIC), Orange Bank (Groupe Orange), Ma French Bank (Groupe La Banque Postale), Carrefour Banque, DITTO (lancée par Travelex mais dont les activités ont été arrêtées en février 2020), Nickel (Groupe BNP Paribas), Qonto, N26, Treezor (Société Générale), Fortunéo (Groupe Crédit Mutuel Arkéa)).

L’accent a, en particulier, été mis sur la question de la rentabilité, très largement liée à l’acquisition et à la fidélisation de clients actifs. L’entrée en relation avec la clientèle a également constitué un point d’attention.

Nous rappelons que le terme néo-banques désigne « les acteurs et les intermédiaires financiers, offrant des services bancaires en ligne ou accessibles par des applications 100 % mobiles. Ces acteurs sont portés par le progrès technologique et l’usage des nouvelles technologies numériques et digitales. » Source ACPR.

L’étude de l’ACPR fait apparaitre 4 grandes familles de néo-banques :

  • Banques en ligne généralement développées ou acquises par les banques traditionnelles ;
  • Banques de distributeurs ;
  • Pure Players mobiles ;
  • Services bancaires à la carte ou les « Bank as a service ».

I. Les différents modèles de néo-banques :

1. Les banques ou offres en ligne


Lancées début des années 2000 afin de suivre le développement d’internet, ces néo-banques offrent à leurs clients des frais réduits par rapport aux banques traditionnelles pour des services bancaires de base.

Dans un second temps, ces acteurs ont commencé à proposer à leurs clients la possibilité de détenir un compte courant, les rapprochant ainsi des offres en ligne des banques traditionnelles (en 2006 pour Boursorama, en 2009 pour Fortuneo et ING Direct). Tous ces acteurs ont été progressivement acquis par de grands groupes bancaires.


Ces banques développent un catalogue de marque selon deux stratégies distinctes :

  • La distribution intégrale des services et produits financiers proposés en agence (comme par exemple Hello Bank ! qui est la marque commerciale de la ligne-métier Banque De Détail en France de BNP Paribas) ;
  • Le développement d’une offre autonome spécialisée (ex : BforBank pour la gestion patrimoniale en 2009) ou généraliste (Fortuneo).
    À l’inverse, certaines telles qu’Orange Bank (depuis 2017), étendent leur base clientèle (réseau de clientèle Groupama/Gan à partir d’octobre 2018) pour s’appuyer sur les synergies avec leur activité historique : cash-back sur les achats Orange réalisés avec une carte premium, crédits affectés à l’achat de terminaux mobiles ou réduction de facture pour les nouveaux clients Orange.

2. Les banques de distributeurs (« phygitales »)

Ce modèle repose sur la création d’une activité financière complémentaire à l’activité commerciale principale. L’appui sur un réseau physique préexistant permet généralement de réduire les coûts d’acquisition de la clientèle et de distribution.
Exemples de banques de distributeurs : AXA Banque, Carrefour Banque (C’Zam), Orange Bank).

3. Les pure players mobiles

Ces nouveaux acteurs reposent sur une offre 100% mobile et en ligne, sans présence physique, en proposant une offre d’appel « Freemium ». C’est-à-dire gratuite (free) pour des services de base et payante pour des services haut de gamme « premium » donnant accès à un compte en ligne et une carte de paiement. Ce modèle se base sur le parcours client optimisé et une utilisation optimisée des données des clients.

Les deux plus grands acteurs de ce marché sont N26 et Revolut. Ces acteurs ont pu développer leur activité en Europe grâce au passeport européen, avant de s’attaquer plus récemment à la clientèle internationale, notamment américaine.

4. Les banques « prêtes à l’emploi » ou « modulaires » : du « Payment as a service (PaaS) » à la « Bank as a service (BaaS) »

  • La 1ère directive sur les services de paiement 2007/64/CE remplacée par la 2ème directive sur les services de paiement a créé un nouveau statut permettant aux acteurs qui ne détiennent pas nécessairement un agrément bancaire mais proposent des services liés aux paiements via un modèle d’agent (export de l’agrément).
  • Tout agent agit en vertu d’un mandat donné par un prestataire de services de paiement. Les agents sont tenus d’informer les utilisateurs de leur qualité de mandataire lorsqu’ils entrent en contact avec eux. Un agent peut recevoir mandat de plusieurs prestataires de services de paiement (article L.523-1 du CMF).
  • Les agents peuvent faire la promotion des services fournis par les prestataires de services de paiement et être habilités à démarcher des clients pour le compte de ceux-ci dans les conditions prévues dans le code monétaire et financier

Le modèle d’activité appuie donc sur un schéma « B2B2C » (business to business to client), contrairement aux autres modèles ou l’interaction avec le client est immédiate (B2C).

Exemples de modèles similaires : Agents : Lydia, Shine & Prestataires de services de paiement : Treezor & SPMEI.

II. Nouveaux parcours client

1. Entrée en relation à distance

Le cadre réglementaire portant sur l’entrée en relation à distance, au sein de l’UE, diffère d’un Etat membre à l’autre. Cette divergence est susceptible de créer des distorsions concurrentielles entre établissements selon l’origine géographique et la nature de l’agrément.

La vérification d’identité du client lors d’une entrée en relation d’affaires à distance est en effet encadrée par la réglementation, qui en fixe les modalités. Dans ce cadre, la plupart des établissements ayant participé à l’étude exigeaient de leur client deux justificatifs d’identité et un premier virement effectué en provenance d’un compte ouvert au nom du client auprès d’un organisme financier européen. Ces exigences pouvaient maintenir à l’écart une partie des clients potentiels (primo-accédants ou personnes fragiles financièrement). La signature électronique, si elle a fait l’objet de développements internes, restait peu employée.

Ce cadre juridique a cependant été profondément rénové à l’occasion de la transposition de la 5e directive « anti-blanchiment ». Les modifications apportées à ces dispositions ont été en grande partie issues des travaux du groupe de travail du Forum Fintech ACPR-AMF sur la vérification d’identité à distance des personnes physiques.

Les principales modifications portent sur les aspects suivants :

  • La possibilité, pour les organismes financiers, de recourir à un moyen d’identification électronique de niveau substantiel (correspondant à un niveau de sécurité équivalent à celui observé dans le cadre d’une entrée en relation d’affaires en agence), sans avoir à mettre en place une autre mesure de vigilance complémentaire ;
  • Une plus grande flexibilité relative aux mesures de vérification d’identité à distance dites « complémentaires » pour permettre aux organismes financiers d’avoir recours à un panel plus large de solutions techniques.
  • La suppression de l’exigence systématique de vérifier le domicile du client préalablement à l’ouverture d’un compte, qui constituait une contrainte pour la fluidité de l’entrée en relation d’affaires. Un justificatif de domicile reste un élément susceptible d’être recueilli, selon une approche par les risques, pour satisfaire aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT) des organismes financiers.

Ces modifications conduisent toutes les banques de l’UE à mettre en œuvre de nouveaux outils de vérification d’identité à distance permettant de conserver un niveau élevé de sécurité tout en fluidifiant l’entrée en relation à distance et en supprimant les distorsions concurrentielles antérieures.

2. Relation client dématérialisée

Les interfaces clients proposées par les néo-banques reposent sur les éléments suivants :

De manière générale, les acteurs sondés lors de cette étude schématisent ainsi les interactions avec leur clientèle :

  • L’interface web, si elle reste prépondérante pour l’entrée en relation, est concurrencée par les applications mobiles, notamment sous l’effet de l’entrée sur le marché des « pure players ». Elle reste également privilégiée pour la souscription de produits complémentaires et les opérations complexes comme les ordres en bourse ;
  • L’application mobile est largement préférée pour les opérations quotidiennes, les paiements et pour la consultation de l’espace en ligne ;
  • Enfin, pour des renseignements ponctuels et en cas de difficultés, les clients sollicitent le service clientèle en passant par ordre de préférence par le téléphone, puis le courriel et enfin le tchat.

3. Diversification de l’offre

Au niveau de la diversification de l’offre de produits, la situation est plus contrastée. Les banques en ligne, créées ou acquises par les banques traditionnelles, proposent un large panel de produits et de services de crédit et d’assurance.

Conclusion

Suite à l’étude de l’ACPR sur le modèle des néo-banques, trois principaux points se dégagent :

  • S’agissant de l’entrée en relation avec la clientèle, on note que la suppression de l’exigence systématique de vérification du domicile du client, préalablement à l’ouverture d’un compte, s’est accompagnée de l’utilisation de nouveaux outils de vérification d’identité à distance permettant de conserver un niveau élevé de sécurité. Cette évolution devrait permettre aux banques françaises de faciliter l’entrée en relation à distance et de supprimer ainsi les distorsions concurrentielles auparavant présentes sur le territoire.
  • L’étude de l’ACPR présente étude conclut par une mise en perspective de certaines caractéristiques du paysage bancaire français (subsistance d’un réseau encore très dense d’agences bancaires, importance du rôle du conseiller-client, absence de véritables plateformes de services financiers) au regard des nouvelles pratiques de la clientèle. Réalisée avant la période de confinement liée à la crise sanitaire du Covid-19, il est cependant beaucoup trop tôt pour voir si cette dernière aura un impact durable sur le comportement des clients, marqué par un recours accru aux services en ligne, ou sur les structures du marché.
  • Concernant la rentabilité, les néo-banques peinent à être rentables et la plupart des institutions interrogées par l’ACPR ne parviennent pas encore, à ce jour, à dégager des résultats nets positifs. Toutefois, une amélioration progressive de la rentabilité au cours du temps est constatée, avec une réduction de la dispersion des résultats entre néo-banques, sans doute liée à l’amortissement progressif des investissements lourds initiaux.

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