Veille réglementaire Le positionnement de l’ACPR sur les questions liées à la gestion des risques climatiques par les établissements financiers


Préambule :

Les établissements financiers sont de plus en plus confrontés à la problématique croissante liée à la gestion des risques climatiques. Afin de faire face à ces risques, les institutions bancaires et assurantielles devraient élaborer une stratégie en matière de risques climatiques et mettre en œuvre une organisation interne efficace. Cela se traduit notamment par le développement d’outils de gestion des risques ainsi que par une communication aux parties prenantes. Les risques climatiques recouvrent à la fois le risque physique mais également le risque de transition.

Le risque physique mesure l’impact direct du changement climatique sur les personnes et les biens (sécheresse, inondations, épisodes climatiques extrêmes, etc.). La Fédération Bancaire Française (FBF) précise que les risques physiques « résultent des dommages directement causés par les phénomènes météorologiques et climatiques qui sont les conséquences des mutations à l’oeuvre du système climatique, en particulier le réchauffement de la planète induit par l’augmentation continue de la concentration en gaz à effet de serre ».

Le risque de transition résulte d’une modification du comportement des agents économiques et financiers en réponse à la mise en place de politiques énergétiques ou de changements technologiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’ACPR a publié en avril 2019 des « Analyses et Synthèses » qui précisent que les secteurs sensibles au risque de transition représentaient près de 12% des actifs bancaires et près de 10% des actifs des organismes d’assurance.

Dans un premier temps, le récent dossier de l’ACPR intitulé « Scénarios et hypothèses principales de l’exercice pilote climatique » publié le 16 juillet 2020, a permis une mise à jour des hypothèses provisoires de l’exercice pilote climatique, lesquelles avaient été mises en ligne sur le site de l’APCR le 25 mai 2020 et sujettes à une consultation publique jusqu’au 19 juin 2020. Dans le cadre de cet exercice pilote, l’ACPR a récemment entrepris la mise en place de stress tests permettant à terme de sensibiliser les établissements financiers aux risques liés au changement climatique.

Dans un second temps, le guide des bonnes pratiques en matière de gouvernance et de gestion des risques climatiques pour l’industrie bancaire, publié par l’ACPR en mai dernier, dresse les bonnes pratiques relevées par l’autorité de supervision, suite à des échanges avec neuf établissements bancaires dans le cadre d’une enquête menée en 2018.

Pour rappel, l’ACPR a deux missions en la matière :

Contribuer à la mise en place des conditions favorables au financement d’une transition ordonnée vers une économie équilibrée et soutenable afin de lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Cela passe notamment par une plus grande transparence des institutions financières sur leurs expositions, un contrôle et une évaluation de leurs engagements publics, qui visent à permettre une allocation avisée et optimale des financements et des capitaux.

Protéger les institutions financières des risques liés au changement climatique en s’assurant qu’elles les ont clairement identifiés et qu’elles ont mis en place une structure et des modalités appropriées de gestion de ces risques dans une perspective de stabilité financière.

I- Les bonnes pratiques en matière de gestion des risques climatiques

1. La mise en oeuvre d’une stratégie face aux risques climatiques

Il est demandé aux établissements financiers de développer une stratégie qui intègre les risques climatiques. Il s’agit à ce titre d’identifier de manière précise les différents risques financiers auxquels sont confrontés les établissements. Cette identification nécessite à la fois l’action des organes de direction, mais également l’implication du conseil d’administration et du comité exécutif, dans le cadre de son rôle d’élaboration concrète de la stratégie des établissements.

Ainsi, les considérations liées au changement climatique ont vocation à orienter de manière importante la planification de la stratégie de chaque établissement. A ce titre, il est recommandé aux établissements de se référer aux accords internationaux, aux stratégies nationales et au consensus scientifique international (Sont visés notamment l’Accord de Paris sur le climat (2015), la Stratégie Nationale Bas-Carbone, les évaluations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)).

Concernant l’élaboration de la stratégie au sein d’un groupe, les établissements doivent utiliser des indicateurs de performance dont le niveau est fixé par le comité exécutif et examiné par le conseil d’administration dans son rôle de surveillance.

Afin de mener à bien leur conduite stratégique, les établissements doivent pour cela se doter de politiques sectorielles qui devraient notamment établir des critères permettant l’identification des activités couvertes et des contreparties associées ou bien des objectifs quantitatifs d’évolution du volume d’affaires avec les contreparties identifiées sur un horizon précisément défini. Là encore, l’implication de toutes les parties prenantes est nécessaire, à savoir celle du comité exécutif, tout comme celle des lignes métiers ou du conseil d’administration. Ce dernier doit notamment examiner chacun de ces politiques.

2. Une gouvernance spécifique au coeur des enjeux liés aux risques climatiques

Nul ne se doute de l’importance significative liée à l’organisation interne des établissements de crédit pour faire face aux risques climatiques.

Il est en effet essentiel pour les établissements d’identifier l’ensemble des parties prenantes en leur attribuant un ou plusieurs rôles spécifiques. Les différentes fonctions concernées par la gestion des risques climatiques sont au nombre de trois :

  • La fonction Gestion des risques ;
  • La fonction RSE, qui soutient la fonction de gestion des risques dans la définition de la stratégie, des outils d’analyse et de décision ; et
  • La fonction Conformité, laquelle vérifie que les risques juridiques et de réputation sont bien pris en compte par les établissements.

Il est par ailleurs nécessaire d’inciter les établissements à accroître leurs moyens humains et techniques concernant la mise en place d’outils d’analyse et de gestion de ces risques.

Les établissements ont également la possibilité de constituer un comité responsable des problématiques liées aux risques climatiques qui sera chargé de coordonner la mise en oeuvre de la stratégie en lien avec les risques climatiques. Les autres comités peuvent également se voir attribuer des responsabilités en matière de risques climatiques.

Enfin, notons que des dispositifs de contrôles des risques climatiques doivent être mis en place, sur trois niveaux : la première ligne de défense, le contrôle permanent (ou deuxième ligne de défense) et le contrôle périodique (ou troisième ligne de défense).

3. Le déploiement d’outils de gestion du risque climatique

La Guide de bonnes pratiques de l’ACPR publié en mai 2020 précise que les établissements devraient disposer d’un certain nombre d’outils qualitatifs et quantitatifs afin de « mesurer, gérer et suivre explicitement l’évolution de leur exposition aux risques financiers découlant du changement climatique sur les différents types de risques identifiés dans la déclaration d’appétence au risque ».

La déclaration d’appétence au risque doit en effet dans la mesure du possible comporter une description de l’impact des risques climatiques pour les autres types de risque pertinents, tels que le risque de crédit, le risque de marché et le risque opérationnel. Cela se traduit notamment par l’utilisation d’indicateurs quantitatifs clés en lien avec l’exposition aux risques climatiques comprenant des limites et des seuils.

La difficulté majeure réside dans la collecte des données relatives aux risques climatiques. En effet, ces données étant soit indisponibles, sinon disséminées, l’évaluation des risques s’en trouve dès lors affectée.

Ainsi, d’un point de vue opérationnel, les établissements doivent concentrer tous leurs efforts en vue de collecter l’ensemble des données nécessaires (Il peut s’agir à titre d’exemple des données relatives à l’empreinte carbone des entreprises financées) qui permettront une évaluation des risques portés par les contreparties.

II- L’analyse de scénarios liés aux risques climatiques dans le cadre de la mise en place de stress tests climatiques

Le 16 juillet 2020, l’ACPR a lancé un exercice pilote climatique qui a pour objectif de mesurer les risques climatiques à l’horizon 2050. Ce dernier vise dans une autre mesure à identifier les difficultés rencontrées telles que l’indisponibilité des données citées précédemment.

Cet exercice passe par la mise en place de stress tests climatiques qui ont in fine pour finalité de permettre aux établissements de crédit d’ajuster leur niveau de fonds propres afin de tenir compte des risques de transition.

Les principaux risques couverts sont le risque de crédit, le risque de marché et le risque souverain.

Dans le cadre de chaque scénario de transition, les établissements doivent réaliser une estimation des pertes générées.

En se référant au Réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement du secteur financier (NGFS), l’ACPR a retenu 3 scénarios de transition vers une économie « bas carbone » pour la période 2020-2050 :

  • Un scénario de référence : correspondant à la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) avec pour objectif d’atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050.
  • Une variante adverse 1 « transition regardée » : suppose que l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’ait pas été atteint en 2030, ce qui nécessite la mise en place de mesures plus volontaristes pour revenir dans la trajectoire 2050. Ce scenario reproduit les trajectoires d’émissions, de PIB et de prix carbone. Ce scenario repose sur une réévaluation forte du prix du carbone en 2013 pour maintenir l’objectif de neutralité carbone en 2050.
  • Une variante adverse 2 « transition rapide » : associe une révision du prix carbone à un choc de productivité à partir de 2025. Cette variante suppose que les technologies de production d’énergies renouvelables n’aient pas été aussi matures que prévu dans le scénario de référence, ce qui se traduit par des prix de l’énergie plus élevés et exigeant de nouveaux investissements.

Notons que l’ACPR a également publié des variables et hypothèses macroéconomiques et financières rattachées à chaque scenario de transition.

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